Section PCF RATP

Section PCF RATP
Accueil
 
 
 
 

Note sur la Loi d'Orientation des Mobilités

La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) devait être adoptée au printemps dernier en procédure accélérée, mais l’absence d’accord entre le Sénat et l’Assemblée Nationale a obligé à un second passage au Parlement. Voté dans ce cadre à l’Assemblée le 17 septembre, le texte a ensuite été repoussé par le Sénat le 5 novembre (en désaccord sur différentes questions, notamment sur le financement des autorités organisatrices des transports, une majorité de sénateurs a soutenu une motion préalable qui a eu pour effet le rejet du projet de loi). Aux termes de la Constitution, le dernier mot est revenu à l’Assemblée pour une adoption définitive sans amendement, ni débat préalable le 19 novembre. Le texte a été approuvé par 116 voix (49 contre et 9 abstentions), avec l’appui des députés LREM-MoDem et des élus UDI, les autres groupes (dont les élus PCF) votant essentiellement contre, avec quelques abstentions.

Il faut souligner que, dès le départ, le PCF a été très présent dans le débat sur cette loi. D’abord à travers un cahier d’acteurs déposé fin 2017 à l’occasion des « Assises de la Mobilité ». Puis, après la présentation du projet de loi, un important travail d’amendements a été réalisé dans la foulée de la journée de travail organisée le 15/02/2019 par la section communiste de la RATP avec nos élus. Les organisations syndicales de la profession ont également été auditionnées par les deux groupes parlementaires. Le rapport des forces étant ce qu’il est, ces amendements n’ont pas débouché, mais tout ce travail a néanmoins permis de s’approprier collectivement les enjeux et de mettre en avant des propositions alternatives appelées à nourrir les indispensables mobilisations à venir. 

Seule une poignée d’articles concerne la RATP. Il s’agit notamment des articles 38 et 39 qui sont analysés dans cette note. Conçus pour accompagner l’ouverture à la concurrence des réseaux, ils contiennent des dispositions très importantes qui vont bouleverser l’organisation de l’entreprise et la vie d’une bonne partie de ses personnels.

 

L’article 38 organise le processus de filialisation/privatisation : Il met fin au rôle de l’EPIC RATP dans l’exploitation des lignes au fur et à mesure des échéances de libéralisation (1/1/2025 pour le mode bus, 1/1/2030 pour les trams, 1/1/2040 pour les modes ferrés). En contrepartie, il autorise la RATP à créer en Ile-de-France des filiales de droit privé.

Des amendements ont été défendus par les élus communistes pour maintenir une gestion publique des lignes que la RATP conservera dans son giron ; ils ont tous été repoussés. Il en a été de même pour un amendement qui visait à interdire à IdFM d’imposer dans ses appels d’offres la création d’une société spécifique pour chaque contrat d’exploitation.

L’article 38 impose par ailleurs une séparation comptable plus poussée des activités au sein de ce qui restera de l’EPIC RATP. Déjà en vigueur depuis 2010 pour la fonction de gestionnaire des infrastructures du réseau ferré historique, cette séparation devra s’appliquer également à la gestion des infrastructures du métro du Grand Paris et à la mission de sécurité des réseaux (pour laquelle la LOM étend les prérogatives de la RATP). La RATP sera placée dans ce cadre sous la surveillance de l’Autorité de Régulation des Transports. Un vaste échafaudage bureaucratique se met ainsi en place, dans le seul but de satisfaire aux exigences de la « concurrence libre et non faussée ». Rappelons que la création du GI avait déjà coûté 17 millions € à l’entreprise, avec pour unique justification de permettre un jour à un opérateur privé d’exploiter une ligne de métro ou de RER.

 

L’article 39 est consacré au volet social de l’ouverture à la concurrence, sous deux aspects : d’une part les conditions du transfert des personnels dans les futures sociétés d’exploitation du réseau bus (qu’il s’agisse de filiales de la RATP ou d’autres groupes), d’autre part les conditions de travail qui leur seront appliquées.

La LOM prévoit que les modalités et critères de désignation des salariés concernés seront précisés par un décret. Mais, selon la PDG, 19000 agents de l’EPIC seraient concernés : personnels de conduite, de maintenance et d’encadrement, agents de S2C affectés au réseau de surface, et personnels des fonctions support.

Sur le premier point, la LOM comprend trois dispositions :

  • Le transfert sera automatique pour tous ces salariés. Ceux qui le refuseraient toucheront une indemnité dont le mode de calcul sera défini par un décret.
  • Ces agents perdront leur Statut et seront rattachés à la Convention collective du transport urbain.
  • Ils bénéficieront néanmoins des cinq mesures suivantes : le maintien de la rémunération annuelle pour le même nombre d’heures travaillées, la garantie de l’emploi, le maintien du régime de retraites, l’accès aux centres de santé de la RATP, l’accès aux prestations du CRE pendant un an. C’est le fameux « sac à dos social » vanté par la direction, mais qui, comparé aux droits inscrits dans le Statut du personnel, fait plutôt pâle figure, d’autant plus qu’une partie de ces dispositions risque rapidement d’être vidée de son sens, en premier lieu celle concernant la retraite.

Concernant les conditions de travail, la LOM renvoie là encore à un décret (!) qui déterminera « les règles relatives à la durée du travail et de repos applicables aux salariés de la RATP et aux salariés des entreprises de transport public urbain concourant aux activités de gestion, d’exploitation et de maintenance de services réguliers de transport par autobus ».

Le texte de loi définit cependant un cadre … et celui-ci ne peut que susciter l’inquiétude. En effet, les 35 heures ne sont pas citées, alors qu’il s’agit pourtant de la limite officielle du temps du travail qui s’applique aujourd’hui à la RATP comme dans le privé. Les auteurs de la LOM ont fait au contraire le choix de se référer aux règles européennes. Deux paragraphes posant les bases du futur décret sont ainsi potentiellement porteurs de reculs sociaux majeurs : « Les possibilités de dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail, dans la limite de quarante-huit heures calculée sur une période de référence pouvant aller jusqu’à six mois. » ; « Les conditions de suspension du repos hebdomadaire, dans la limite de quatorze jours, ainsi que les conditions de réduction du repos hebdomadaire, dans la limite de vingt-quatre heures, si des conditions objectives, techniques ou d’organisation le justifient. »

Quant au « Cadre Social Territorialisé » dont la direction de la RATP fait des gorges chaudes, il ne s’appliquera aux termes de la LOM qu’au seul personnel de conduite roulant sur des lignes majoritairement situées dans les départements de la petite couronne. Et encore a-t-il déjà été annoncé que les conditions de travail spécifiques qui le caractériseront (et que ce même décret doit fixer) seront en retrait de celles en vigueur actuellement.

 

Quelles batailles mener maintenant ? Il y a en fait deux sujets liés : d’un côté le mode de production du Service public avec l’enjeu public-privé ; de l’autre les conditions sociales de cette production.

Sur le premier point, dans le prolongement de la logique du règlement européen OSP, la LOM dessine un paysage où les transports franciliens de demain seront gérés par une multitude de sociétés anonymes, en lieu et place d’une gestion intégrée des réseaux par un opérateur public. Cela veut dire course au dumping social, mais aussi, si on se place du point de vue de l’intérêt général, une organisation source de gâchis et de surcoûts d’une part, et d’inefficacité d’autre part (notamment en matière d’intermodalité ou de réactivité aux incidents d’exploitation). La question de constituer un grand monopole public des transports en Ile-de-France va donc se poser pour répondre à tous les dysfonctionnements qui ne manqueront pas d’émerger. A nous de montrer auprès des salariés comme des usagers que cette solution est la réponse efficace aux besoins.

Concernant le volet social, on est loin avec la LOM de l’harmonisation par le haut que nous avons défendue ! Au lieu de l’extension du Statut des personnels de la RATP à l’ensemble des salariés du transport public, on nous programme son extinction. A la place du mieux-disant social en matière de temps de travail, c’est le moins-disant qu’on nous promet. Cette dégradation du modèle social peut du reste entraîner des départs massifs de la profession et déboucher sur une pénurie de personnels, en premier lieu à la conduite, qui affecterait sérieusement la continuité du service. Mais, puisque la LOM renvoie le traitement de plusieurs sujets à des décrets, il restera plusieurs points importants à trancher après le vote de la loi. La question des conditions de travail peut en particulier faire l’objet de mobilisations rassemblant les salariés de la RATP et des réseaux privés. Et les revendications d’un Statut unifié et des 32 heures demeurent pleinement d’actualité.