Section PCF RATP

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Assemblée du 31 mars 2017 - Rapport introductif

Rapport introductif d’Olivier MUNOZ RODEA

 

 

I)     Le panorama

 

            La période actuelle est trouble et, sous de très nombreux aspects, elle ne donne pas envie. Pourtant, c’est une période historique nouvelle dans laquelle nous entrons. Elle porte de lourds dangers, mais elle ouvre aussi des possibilités inédites. Cela confère du coup à notre parti de grandes responsabilités.

 

            Nous sommes dans une période « d’anomie » profonde pour reprendre un terme d’Emile Durkheim, psychiatre du XIXe siècle. En analysant les périodes marquées par des pics de dépressions et de suicides, Durkheim a montré que ces pics ne sont pas aléatoires, mais bel et bien liés à une perte de repères dans la société pour une majorité d’individus. Quand les règles jusque-là acceptées sont dépassées et ne sont plus comprises, ou que de nouvelles règles deviennent la norme mais sans correspondre à la réalité et à la perception des populations, les individus ne comprennent plus à quoi servent ces règles et pourquoi ils les suivent, et la conséquence principale est qu’ils sombrent dans un mal-être général et qu’ils s’écartent peu à peu du fonctionnement collectif de la société.

            Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que la plupart des périodes d’anomie identifiées par Durkheim correspondent à des périodes marquées au niveau politique par des crises de régime et des restructurations majeures de la société, elles-mêmes souvent consécutives à des crises économiques. Et ça, ça doit nous intéresser.     

            Les deux partis majoritaires et hégémoniques depuis des décennies (PS/UMP) risquent de ne pas passer le 1er tour de l’élection la plus importante de la Ve République et leurs propres députés, ministres et garants des lois sont les premiers à contourner les règles et à figurer dans les scandales financiers et moraux. Une bonne partie de la population ne comprend plus comment fonctionne la société, perd ses repères et est prête à tomber dans n’importe quelle erreur. L’abstention est un des symptômes de cette crise de repères.

            On est dans une profonde période de perte du sens et de la morale.

            Il en est de même quand le PS et l’UMP mettent en place des primaires sans aucun sens : D’un côté, au PS, 3 millions de personnes se déplacent et participent à la primaire, mais une bonne partie des cadres qui l’avaient organisée et appelé à y participer décident de soutenir un autre candidat, Macron, parce que le résultat de cette primaire ne leur convient pas. De l’autre côté, à l’UMP, le candidat qui triomphe contre toute attente gagne sur son image « propre » contre des candidats plus pourris les uns que les autres. Il gagne sa légitimité sur cette image propre, mais, quand les scandales commencent à le toucher, il dit que ce n’est pas si grave, qu’il ne faut pas y faire attention, et que de toute façon il est toujours légitime parce que les gens ont voté pour lui (alors même qu’ils ont voté parce qu’il n’avait pas ces scandales à l’époque, sinon il aurait perdu sans aucun doute).

            Ainsi, les structures classiques n’arrivent plus à être crédibles et montrent elles-mêmes qu’elles ne sont pas crédibles.

 

 

II)    Ses conséquences

 

            Alors qu’est ce qui émerge face à ça ?

            Malgré les efforts incessants de notre parti, et même si les choses peuvent encore bouger, on n’aboutira manifestement pas à une candidature unique à gauche, ce qui était la condition pour éviter à notre peuple d’avoir à choisir au 2nd tour entre deux options s’inscrivant dans la pérennisation du système capitaliste.

            Dans ce contexte, on assiste à une montée en flèche de Macron et de Le Pen, pour des raisons très différentes, mais pas si éloignées : d’un côté, le vote Le Pen dont une très large part traduit le rejet du bipartisme PS/UMP, est le fait de personnes qui veulent « mettre un coup de pied dans la fourmilière », pour que les partis traditionnels « se réveillent » et sortent de leur entre soi, déconnecté de la réalité. De l’autre côté, le vote Macron a marqué des points dans l’électorat de gauche, pour ne pas se retrouver dans un 2nd tour Le Pen/Fillon mortifère et donc faire passer « quelqu’un d’autre » plutôt que le candidat UMP face à Le Pen. Il s’agit de deux comportements proches puisque l’objectif principal est de mettre de côté UMP et PS, dans un cas en les remplaçant par le FN, « un parti neuf », dans l’autre en se protégeant du FN en mettant « un homme neuf », Macron.

            On retrouve en partie cette logique dans le résultat de la primaire PS où des votants voulaient relever la gauche face à l’UMP/FN, en ramenant le PS sur des bases plus à gauche. De même, la candidature Mélenchon attire de nombreux jeunes et des personnes qui jusqu’aux dernières élections pouvaient faire confiance au PS et voir tout ce qui était à gauche de ce dernier comme dangereux, radical, etc… La marche entre Bastille et République, même si elle a attiré moins de monde que celle de 2012, était très jeune et massive malgré l’absence de nombreux camarades du Parti, échaudés par les prétentions hégémoniques de LFI et réfractaires à la candidature de Mélenchon.

           

            Ce qui domine est donc la recherche de nouvelles solutions sur fond de perte des repères classiques gauche/droite et d’abandon des valeurs morales et du sens commun dans la société.

            Si l’on veut pousser plus loin l’analyse, cette perte de sens se traduit de façon différente pour les individus suivant leurs rapports actuels à la politique :

§   Pour des individus extérieurs à toute structure, on assiste à un rejet global des partis dominants et une remise en cause de plus en plus importante du fonctionnement du système. Parmi ceux-là, on en voit de plus en plus s’intéresser à d’autres idées et notamment aux nôtres. Beaucoup de camarades investis dans la campagne ressentent une perception positive chez de plus en plus de gens lors des actions militantes. Chez de nombreuses personnes qui, il y a quelques années, nous voyaient comme « les râleurs », «  les gauchistes », « les gentils dont les idées ne sont pas applicables » ou « les bisounours qui n’ont rien compris au système », avec la crise économique et ses conséquences, le discrédit du PS et la fin de cycle dans laquelle s’enferme l’UMP, le regard change et nos propositions sur la finance, la VIe République, les minima sociaux et maxima salariaux, etc… (alors que nos idées et propositions n’ont pas changé) passent mieux et la perception des gens vis-à-vis de ces mesures a largement changé.

§   Dans le même temps, ce même climat lourd et pesant, cette même perte de sens et ces mêmes campagnes politiques sans fond ni vision politique, n’agissent pas de la même façon sur les collectifs militants, qu’ils soient politiques, associatifs ou syndicaux. De plus en plus de militants ont du mal à agir, hésitent, prennent leur distance ou ne savent pas trop comment prendre les choses et agir.

 

            On assiste donc à une situation très contradictoire où des personnes qui ne nous auraient jamais rejoints il y a quelques années s’intéressent à nous, à nos idées et pour certains passent à l’action autour de nous, mais avec dans le même temps un repli et une mise entre parenthèses de nombreux camarades. Du coup, celles et ceux qui nous rejoignent le font dans un climat interne qui n’est pas le plus propice, ni le plus accueillant, alors que, si cette crise de sens, économique et de la représentation politique se poursuit, des boulevards s’ouvrent : contrairement à il y a deux décennies (où, quoi que nous fassions, le libéralisme semblait incarner l’avenir), des milliers de personnes peuvent nous rejoindre dans la période qui s’ouvre, notamment en cas de transformations du PS et de recomposition de la gauche.

 

 

III)       Nos possibilités d’action

 

            Si des boulevards s’ouvrent, notre travail doit être mené en conséquence.

 

            A très court terme, pour ce qui concerne les élections, quel que soit le résultat des présidentielles, au vu des marges d’écart très faibles qu’il risque d’y avoir entre les candidats, aucun d’eux n’est assuré d’avoir une majorité à l’Assemblée.

            Pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, le résultat des législatives peut être autre chose que celui amplifié de la présidentielle. Rien n’est joué dans ce scrutin et aucune « vague » bleue ou rose ou fasciste ne semble évidente. Selon les territoires, les résultats seront très variés, quel que soit le 2nd tour et son résultat. Dans ce climat, nos candidats peuvent tirer leur épingle du jeu : dans beaucoup de circonscriptions, le vote utile à gauche, ça peut être le vote pour le candidat du PCF.

            Pour mener cette campagne dans notre section, une proposition : éditer un matériel pour inciter à voter pour les candidats communistes, un « Ça roule » qui parle des questions intéressant les agents RATP et permette de développer nos propositions : salaires, 32 heures, retraites, avenir de l’entreprise publique, etc…

           

            Une deuxième proposition concerne, à plus long terme, la recomposition de la gauche. Quel que soit le résultat au soir du 2nd tour, le PS et l’UMP sont d’ores et déjà ébranlés et des nouveaux partis, des transfuges et des retournements de situation sont à prévoir.

            Pour ce qui est du PS, qui a perdu de très nombreux militants dans les années passées, plusieurs scénarios sont possibles : implosion totale, division entre une aile droite qui rejoint Macron et une aile gauche qui a elle-même plusieurs possibilités. Soit cette aile gauche a l’opportunité de rester avec le logo, les locaux, une partie des cadres et militants, soit elle crée un nouveau parti, soit elle en rejoint un existant.

            Quel que soit le scénario, les repères classiques dont je parlais au début de mon rapport vont encore plus exploser. Sans parler de ceux qui militent aujourd’hui au PS, tout un peuple de gauche, « votants dociles » du PS (même sans toujours en partager les idées, sur la base du « vote utile ») va se retrouver orphelin et va devoir chercher des solutions et des perspectives politiques dans d’autres partis.

            Si on analyse objectivement les choses :

·        La France Insoumise de Mélenchon n’a pas la volonté de rassembler à gauche, et c’est d’ailleurs la principale limite de son positionnement et ce qui l’empêche aujourd’hui de décoller vraiment.

·        Le NPA, les Verts, Nouvelle Donne ou les autres forces du Front de Gauche n’ont pas les épaules pour attirer, organiser et redonner l’espoir à des millions de votants de gauche perdus.

·        Notre Parti, bien qu’affaibli ces dernières décennies, peut redevenir le 1er parti de la gauche, loin devant la plupart (en militants, moyens et élus) et avec une dynamique inverse du PS (reconstitution de forces au lieu de pertes sèches).

 

            Nous sommes ainsi la force la mieux placée, mais aussi la mieux préparée et organisée pour recomposer la gauche dans les années qui viennent.

            Et j’en viens donc à notre responsabilité dans la période historique dont je parlais en introduction : si nous ne sommes pas capables d’organiser la recomposition de la gauche autour de nos valeurs historiques, d’autres le feront, mais ce ne seront pas les forces que je viens de citer puisqu’elles ne sont pas assez fortes pour le faire. Autrement dit, si ce n’est pas nous qui redonnons l’espoir au peuple sur des valeurs de gauche, de partage, de lutte contre la finance et les oppressions à l’œuvre dans la société, le FN ou d’autres le feront sur leurs valeurs d’individualisme, de repli nationaliste et de rejet de l’autre.

            Cette responsabilité s’accompagne d’une obligation : ne pas être dogmatiques ou chercher à imposer un modèle. Le rassemblement pourra en effet prendre plusieurs formes, dont on ne peut pas préjuger aujourd’hui. Mais la certitude qu’on peut avoir est qu’il se construira sur la base de contenus et de mobilisations sur des questions concrètes. Nous avons donc besoin d’affirmer nos valeurs, notre projet, notre démarche d’unité. Identifions des campagnes qui parlent aux gens tout en nous permettant d’affirmer clairement la nécessité et les bases d’une société post-capitaliste.

            La population cherche des repères et des valeurs. N’hésitons pas à affirmer les nôtres clairement, surtout dans cette période où nos idées sont mieux perçues.

            Pour cela, il est indispensable à moyen et long terme de mettre en place une campagne d’adhésion (pour être plus forts), mais surtout de formation de nos militants (pour être mieux entendus), sous toutes les formes nécessaires (formations, débats, journées thématiques d’étude, brochures, etc…). Il faut que le plus grand nombre d’entre nous soit capable de discuter avec nos collègues, nos proches et montrer que, dans une période sombre et sans aucun doute complexe, les communistes savent où ils vont, et sont ceux qui, individuellement et collectivement, ont une vision de la France et du monde qui redonne envie. C’est le meilleur moyen d’agglomérer des forces dans notre Parti et autour.

 

            Je vous propose donc de travailler à cela dans les mois à venir. Après la crise économique du libéralisme, voici la crise idéologique et politique du libéralisme ; nous entrons dans une période historique, soyons à la hauteur !